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Cerenentola festive à l’Opéra national de Montpellier

Pour les fêtes, l’Opéra national de Montpellier met à l’affiche la relecture du conte de Perrault, Cendrillon, par Rossini, dans une production pétillante réglée par Alicia Geugelin et dirigée avec vitalité et souplesse par Magnus Fryklund, sous laquelle duquel l’Orchestre national Montpellier Occitanie donne le meilleur de lui-même.

21 febrero, 2022

Il est d’usage de conjuguer les fêtes de fin d’année avec le répertoire léger ou la féerie, jusque dans les programmations des théâtres lyriques. L’Opéra national de Montpellier a choisi de refermer 2021 avec une valeur sûre du bel canto, la Cerenentola de Rossini, relecture du célèbre conte de Perrault, adaptée par Jacopo Ferretti.

A rebours des spectacles dispendieux en décors, Alicia Geugelin s’appuie exclusivement sur quelques accessoires. Dessinée par Christin Schumann, la scénographie se réduit à un espace concave tapissé d’une sorte de vinyle aux discrètes réflexions collatérales, et aux vertus acoustiques simples, si souvent négligées par les metteurs en scène d’aujourd’hui. Au gré des séquences, le lit de Don Magnifico, des portants mobiles pour la garde-robe de ses deux filles, un imposant lustre descendant des cintres jusqu’à emprisonner Angelina, résument la demeure du patriarche ou le palais princier et les péripéties dans une narrativité alerte qui laisse la part belle à l’imagination. Avec les costumes aux tonalités fluorescentes dessinés par Pia Preuss, et les perruques à l’avenant, rose ou bleu-vert, qui opposent, sans exclusive cependant, la cour de Ramiro et le parti de Magnifico, la fantaisie n’est pas oubliée, ni la féerie d’ailleurs. Au-delà des cotillons du triomphe, les lumières de Sergio Pessanha contribuent à la bonhomie festive de l’ensemble, qui réjouira petits et grands, et savent, à l’occasion, tirer parti de la salle de l’Opéra Comédie, dans une évocation de la tempête, certes littérale mais d’une efficacité aussi poétique que ludique, faisant trembler les éclairages côté scène comme côté public.

Le bref prologue où l’héroïne, grimée avec des décennies de plus sur le visage et le poudroiement de la perruque, s’avance, en chantonnant, sur un balcon d’avant-scène dans le giron du manteau royal qui lui échoit lors de son couronnement final, suggère sans doute la lassitude des servitudes du pouvoir, et le mélancolique souvenir des rêves de la jeunesse, avant peut-être aussi les désillusions du mariage – on pourrait aussi voir dans le conte un simple songe d’une Cendrillon qui n’aurait changé de condition que dans son imagination. Mais cet artifice, qui tire les conséquences des paroles de la plaintive ballade aux allures de blason de la jeune orpheline – « Una volta c’è un Re » –, n’interfère guère avec l’évidente fluidité d’un spectacle qui ne recherche guère les déconstructions sociales et politiques que l’ouvrage de Rossini, au début du même siècle que celui de Marx, porte en germe.

Dans le rôle-titre, Wallis Giunta séduit par un instinct et une précision belcantistes certains, qui s’épanouissent entre autres dans les variations de son rondo final, et font oublier une relative raideur dans le medium, lié fort probablement aux quelques compromissions du soutien avec sa maternité récente. Cela ne saurait par ailleurs occulter la santé d’un éclat qu’elle partage avec Alasdair Kent, Ramiro léger et lumineux, dont on retiendra l’irrésistible sourire d’un timbre qui privilégie l’agilité à la carrure, que d’aucuns aimeraient moins frêle – sans pour autant obérer l’authentique séduction de l’incarnation du ténor australien. Basse bouffe accomplie, Carlo Lepore témoigne d’un métier sûr et livre un Don Magnifico truculent, voire cabotin, sans cependant verser dans la vulgarité de l’excès. Après une entrée un rien modeste, l’Alidoro de Dominic Barberi gagne en présence et en chair au fil de la soirée. La Clorinda de Serena Sáenz et la Tisbé de Polly Leech composent un duo complémentaire de pimbêches à trottinette ou sur patins, avec un jeu aussi savoureux que la caractérisation des intonations. Quant au Dandini d’Ilya Silchukou, son émission quelque peu rustaude et perfectible quant à l’idiomatisme arase passablement les nuances vocales et expressives. Préparés par Noëlle Gény, les choeurs ne négligent aucunement leur participation.

Chef assistant à l’Opéra de Montpellier depuis 2018, Magnus Flyklund fait une remarquable démonstration de ses qualités dans cette production qui referme sa résidence dans l’institution occitane. Sa baguette magnifie l’inimitable frémissement de la partition du cygne de Pesaro, avec une souplesse et une délicatesse dans les articulations et les mezza voce parfaitement au fait du style. Rarement l’Orchestre national Montpellier Occitanie aura sonné de manière aussi rossinienne, avec une qualité des pupitres qui replace la phalange parmi les meilleures de l’Hexagone. Un enchantement qui est l’autre cadeau de Noël aux mélomanes de Montpellier et d’ailleurs.

Gilles Charlassier

CerenentolaRossini, Opéra Comédie, Opéra national de Montpellier, du 19 au 23 décembre 2021.

© Marc Ginot